La procédure de revendication d’ancienneté permet au titulaire d’une marque communautaire, d’y « inclure » les marques identiques antérieures dont il serait déjà titulaire dans un ou plusieurs pays de l’Union.
Dès lors, les marques antérieures nationales dont l’ancienneté aura été revendiquée produiront leurs effets au travers de la marque communautaire, depuis leur date de dépôt initiale. Elles pourront ne pas être renouvelées, sans que cela ne provoque a priori de perte de droits pour le titulaire (1).
Cette procédure est donc particulièrement séduisante, puisqu’elle permet d’envisager d’abandonner toutes marques nationales ou internationales avec effet dans l’Union européenne une fois que la marque communautaire est enregistrée, ce qui réduit les coûts et simplifie la gestion administrative du portefeuille des marques.
L’abandon des marques antérieures devra cependant faire l’objet d’une étude préalable pour voir s’il y a un intérêt pour la société à garder ses marques, en particulier pour diversifier ses droits, et ne pas « mettre tous ses œufs dans le même panier ». La marque communautaire est en effet susceptible d’être annulée pour différents motifs.
Une disposition vient en outre tempérer le maintien automatique des droits liés à ces marques nationales au sein de la marque communautaire :
« L’ancienneté revendiquée pour la marque communautaire s’éteint lorsque le titulaire de la marque antérieure dont l’ancienneté a été revendiquée est déclaré déchu de ses droits ou lorsque cette marque est déclarée nulle ou lorsqu’il y est renoncé avant l’enregistrement de la marque communautaire ».
Cette disposition implique-t-elle que la marque antérieure soit toujours en vigueur ou bien peut-elle s’appliquer à toutes marques dont l’ancienneté est revendiquée, qu’elles aient été ou non renouvelées ?
Le Tribunal de grande instance de Paris, dans un jugement assez obscur il est vrai, décide en substance que cette disposition ne peut s’appliquer qu’à des marques en vigueur au jour de la demande en déchéance :
« Dès lors, la marque communautaire visant dans son enregistrement la marque GALLO du 30 août 1968 [au titre de l’ancienneté], la société E&J Gallo bénéficie, comme titulaire de la marque communautaire, des mêmes droits que ceux qu’elle aurait eus si la marque antérieure du 30 août 1968 avait perduré, c’est-à-dire d’un droit existant antérieurement à la date à laquelle la société Champagne Gallo indique avoir commencé son exploitation viticole.
Par ailleurs, la défenderesse ne peut pas soulever la déchéance d’une marque qui n’existe plus » (2).
D’après ce jugement, la marque dont l’ancienneté a été revendiquée et qui n’a pas été renouvelée ne peut donc plus être déchue pour défaut d’usage, quand bien même ce serait grâce à cette antériorité que la société demanderesse pourrait obtenir la condamnation pour contrefaçon.
Cette interprétation ne correspond pas à l’esprit de la loi, qui conditionne le maintien sur les registres à l’usage sérieux de la marque pour chacun des produits et services (3).
Le mécanisme de la revendication d’ancienneté ne devrait pas permettre de contourner ce principe, et d’octroyer des droits sans les assortir d’obligations.
© [INSCRIPTA]
(1) Article 34.2 du Règlement CE 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire (RMC) : « Le seul effet de l’ancienneté, en vertu du présent règlement, est que, dans le cas où le titulaire de la marque communautaire renonce à la marque antérieure ou la laisse s’éteindre, il est réputé continuer à bénéficier des mêmes droits que ceux qu’il aurait eus si la marque antérieure avait continué à être enregistrée ».
(2) TGI Paris, 30 janvier 2014, RG 2012/13013, E&J GALLO WINERY / Champagne GALLO Scev.
(3) Selon le 10ème considérant du Préambule du RMC, « il n’est justifié de protéger les marques communautaires et, contre celles-ci, toute marque enregistrée qui leur est antérieure, que dans la mesure où ces marques sont effectivement utilisées ».