Voici une nouvelle affaire d’usage de marque en tant que mot-clé permettant de générer des résultats commerciaux sur le moteur de recherche Google. Les faits n’ont rien d’original. La décision ne l’est pas non plus. Mais le tout permet de rappeler quel est le sens de la jurisprudence en matière de référencement payant sur internet.
Une société spécialisée dans la vente en ligne de produits de style gothique a assigné en contrefaçon de marque et concurrence déloyale une autre société vendant également en ligne des produits gothiques. La première reprochait à la seconde soit d’avoir utilisé sa marque (qui était également son ancienne dénomination sociale et son nom commercial) en tant que mot-clé dans le cadre du service de référencement payant Adwords de Google soit de ne pas avoir exclu cette marque de ses campagnes Adwords, c’est-à-dire de la faire inscrire en tant que mot-clé négatif, après avoir été mise en demeure de le faire.
La Cour d’appel de Versailles (12ème ch., 28 février 2017, confirmant un jugement du Tribunal de grande instance de Nanterre du 26 novembre 2015) rappelle justement « qu’il n’y a pas lieu de débattre du choix des mots clés qui auraient été sélectionnés, soit positif, soit négatif, dès lors que le titulaire de la marque ne peut s’opposer à l’usage par un tiers d’un signe identique ou similaire à titre de mot clé que si cet usage porte atteinte aux fonctions de la marque ».
Or, la Cour de Justice de l’Union européenne « a dit pour droit (arrêt Interflora du 22 septembre 2011) que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un concurrent de faire, à partir d’un mot clé identique à cette marque que ce concurrent a, sans le consentement dudit titulaire, sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque cet usage est susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de la marque. Un tel usage porte atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque lorsque la publicité affichée à partir dudit mot clé ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers » (voir aussi notre dossier spécial).
En l’espèce, les annonces commerciales ne faisaient aucune référence à la marque litigieuse ni à des expressions qui auraient pu lui être associées. Les messages en question ne contenaient que des termes génériques tels que « boutique gothique » et l’adresse URL du site internet de la société poursuivie.
Pour les juges versaillais, aucune confusion ne peut intervenir dans l’esprit du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif. Les demandes du chef de contrefaçon de marque ne pouvaient donc prospérer.
La demanderesse et appelante n’a pas eu plus de succès sur les terrains de la concurrence déloyale et du parasitisme. D’abord, parce que le lien commercial litigieux ne saurait suffire à caractériser un acte de concurrence déloyale, dès lors qu’il n’est pas de nature à créer un risque de confusion entre les sociétés en présence ou leurs sites internet. Ensuite, parce qu’aucun comportement fautif ou parasitaire ne pouvait être reproché à la société attaquée.
Depuis notre dossier spécial consacré au référencement payant sur internet (ici), les choses n’ont donc pas évolué. Au contraire, la jurisprudence française s’est étoffée et, d’une certaine manière, durcie à l’égard des titulaires de droits. Il semble en effet que, à défaut de voir sa marque reproduite dans le titre ou dans le corps de l’annonce commerciale litigieuse, les chances de succès sur le terrain de la contrefaçon sont quasiment nulles.
Pour autant, il ne faut pas être défaitiste. Une surveillance adéquate des liens commerciaux générés par sa marque et une politique raisonnable de défense et de mise en garde permettent bien souvent de mettre un terme à des agissements que l’on peut légitimement trouver gênants en tant que propriétaire de marque et commerçant en ligne.
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