La marque de l’Union européenne BIG MAC numéro 000062638 a été déposée en 2016 et enregistrée en 2018 au nom de McDonald’s, en relation avec de nombreux produits alimentaires dont les fameux sandwiches, ainsi que pour des services en lien avec la restauration.
Dans le cadre d’un litige l’opposant à McDonald’s, la société irlandaise Supermac’s a déposé une demande en nullité pour déchéance contre la marque BIG MAC sur le fondement de l’article 58(1)(a) du Règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne, qui dispose principalement :
« 1. Le titulaire de la marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon : a) si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage ».
Pour sauver son enregistrement de marque, McDonald’s devait donc rapporter la preuve, des preuves, que la marque BIG MAC avait bien été exploitée sur le territoire de l’Union européenne dans les cinq dernières années précédant la demande en nullité, soit entre 2012 et 2017.
Rien d’impossible penserez-vous. Facile, même, pour une société comme McDonald’s qui doit vendre à la seconde dans le monde plus de BIG MAC que vous n’en mangerez sans doute jamais…
Et bien non. Ce n’est pas si facile que cela. Et McDonald’s a vu sa marque annulée par la Division d’Annulation de l’EUIPO le 11 janvier 2019 (Aff. 14 788 C).
L’explication est toute simple. Il s’agit en fait d’un problème de preuve (qui n’est pas sans rappeler l’affaire Bentley, et la question de la preuve de la renommée d’une marque, que nous avions commentée ici).
Le titulaire d’une marque souhaitant échapper à la déchéance de ses droits pour défaut d’exploitation doit prouver qu’il fait un usage de la marque qui soit conforme à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine d’un produit ou d’un service. Doivent être pris en considération l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale, en particulier les usages propres à maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque.
En l’espèce, le titulaire n’a pas produit de preuves suffisantes. McDonald’s s’est reposé sur trois déclarations signées de représentants de la société en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, de brochures commerciales et d’exemplaires d’emballages, de copies-écrans de sites web du groupe, et d’un article Wikipédia.
La première critique à l’égard de ces preuves est que ce sont, sauf pour Wikipédia, des preuves d’origine interne et non des preuves de sources externes, par hypothèse davantage neutres et objectives. La deuxième, c’est que de tels éléments sont insuffisants à démontrer dans quelle mesure la marque est exploitée, ni dans sa portée géographique par rapport à l’ensemble du territoire de l’Union européenne, ni dans son intensité par rapport au marché à considérer. La troisième, découlant de la précédente, c’est que les preuves réunies ne concernaient pas réellement l’exploitation commerciale de la marque, c’est-à-dire concrètement des éléments chiffrés au sujet de la vente de produits BIG MAC.
La Division d’Annulation de l’EUIPO n’a donc pas eu d’autre choix que de prononcer l’annulation de la marque pour défaut d’exploitation sérieuse au cours des cinq dernières années.
L’impact de cette décision, dans la vie réelle, sera très faible. Premièrement, parce que McDonald’s va très certainement contester (ou a peut-être déjà contesté) cette décision en formant un recours. Et l’on imagine que la procédure sera gérée avec davantage de sérieux s’agissant de la réunion et de la production de preuves. Deuxièmement, parce que McDonald’s n’est pas propriétaire que de cette marque BIG MAC dans l’Union européenne. De nombreuses autres marques demeurent en vigueur, portant sur les mêmes produits, de sorte que les droits de McDonald’s ne sont pas éteints.
En revanche, cette décision permet de rappeler que les titulaires de droits de marque ne doivent pas prendre le risque d’une déchéance pour défaut d’exploitation à la légère. En cas d’action intentée à leur encontre, il faut immédiatement se mettre au travail, en lien avec un professionnel de la propriété industrielle, pour établir une liste détaillée d’éléments probants, divers et concordants, à réunir en défense.
© [INSCRIPTA]
Photographie « McDonald’s Bigger Big Mac » de Like_the_Grand_Canyon sous licence Creative Commons (redimensionnée; format original 3264 × 2448)