Il est très fréquent que, dans le cadre d’une action en contrefaçon de brevet, le défendeur cherche à démontrer la nullité du brevet qui lui est opposé. C’est même bien souvent le premier moyen de défense, avant celui tiré de l’absence de contrefaçon, tout simplement parce que si le brevet est annulé, il ne peut avoir été contrefait.
Mais qui dit moyen de défense fréquent ne dit pas nécessairement moyen de défense facile à mettre en œuvre. Certains pièges contractuels et procéduraux doivent être évités.
C’est ce qu’illustre très bien une décision récente de la Cour d’appel de Lyon rendue dans une instance en contrefaçon d’un brevet détenu en copropriété.
L’un des deux copropriétaires d’un brevet avait reçu mandat exclusif, au travers du contrat de copropriété, de décider d’intenter toute action en contrefaçon qu’il jugerait nécessaire et de prendre en charge la conduite de ces actions à ses frais, risques et périls. En d’autres termes, il pouvait décider seul d’intenter une action en contrefaçon du brevet sans que l’autre copropriétaire n’ait son mot à dire. Et c’est ce qu’il fit.
Estimant qu’une société tierce fabriquait et vendait des appareils contrefaisant plusieurs des revendications du brevet, portant sur un dispositif mobile d’enroulement de couverture de sécurité pour piscine, le copropriétaire en ayant reçu mandat engagea seul une action en contrefaçon à son encontre.
Le défendeur poursuivi en contrefaçon, souhaitant contester la validité du brevet sur lequel reposait l’action, forma une demande reconventionnelle en nullité.
Le Tribunal de grande instance de Lyon (3ème ch., 8 septembre 2011, RG 2007/00421), puis la Cour d’appel (CA Lyon, 1ère ch. civ. A, 12 septembre 2013, RG 2011/06334), jugèrent cependant cette demande irrecevable faute pour le défendeur et appelant d’avoir mis en cause le second copropriétaire du brevet.
En effet, si le premier copropriétaire du brevet avait bien reçu mandat exclusif pour intenter l’action en contrefaçon, les juges constatèrent qu’il n’avait reçu aucun mandat d’agir en justice au nom et pour le compte du second afin de défendre à une action en nullité du brevet. Et les juges de préciser que, puisque la nullité éventuelle d’une ou de plusieurs revendications du brevet se traduirait par la perte du droit que le second copropriétaire tient du brevet, en raison de son effet absolu, il ne saurait y avoir discussion à ce sujet sans qu’il ait été entendu ou mis en mesure de l’être.
En l’espèce, la défense-réflexe consistant à solliciter reconventionnellement la nullité du brevet qui était invoqué aurait donc dû être maniée avec plus de diligences et précautions.
La décision étant à notre sens tout à fait transposable aux autres titres de propriété industrielle, que ce soit les marques ou les dessins et modèles, il est ici important de rappeler l’importance capitale d’une rédaction rigoureuse des contrats de copropriété en cas de pluri-déposants.
Ces contrats sont avant tout destinés à faciliter la gestion et la maintenance du titre en cause, en définissant clairement les rôles et responsabilités de chaque copropriétaire. Mais, en matière de défense, les conséquences et implications de certaines clauses ne doivent pas être négligées.
Si en l’espèce, le contrat de copropriété s’est avéré un outil de sauvegarde bienvenu, la demande en nullité du défendeur ayant été jugée irrecevable, il aurait pu en être tout autrement si le second copropriétaire avait été dûment mis en cause, car il se serait alors trouvé en situation de devoir défendre la validité de son titre alors même qu’il n’avait pris aucune responsabilité ni initiative dans l’engagement de l’action principale en contrefaçon.
En de pareils cas, mieux vaut avoir confiance en son ou ses copropriétaires.
© [INSCRIPTA]
Cet article a également été publié sur le Village de la Justice.