Pour être valable, un modèle communautaire doit être nouveau et produire une impression d’ensemble différente, sur le public concerné, de celle produite sur lui par le patrimoine des dessins ou modèles. Pour apprécier la validité d’un modèle communautaire de parapluie « anti-vent », le tribunal communautaire vient de confirmer que peut entrer dans ce patrimoine existant la publication d’un brevet américain datant de 1995 (1).
La loi établit une présomption selon laquelle un modèle est réputé avoir été divulgué dès sa publication, son exposition ou sa mise en contact avec le public, sauf si, dans la pratique normale des affaires, cette divulgation ne pouvait raisonnablement être connue des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans la Communauté au moment du dépôt (2).
Cette présomption s’applique indépendamment de l’endroit où ont eu lieu les faits constitutifs de la divulgation, que ce soit en Europe ou à l’international, à moins que la partie qui conteste la divulgation (le déposant du modèle communautaire) démontre qu’en l’espèce, les milieux spécialisés du secteur des parapluies ne pouvaient raisonnablement avoir connaissance de ce brevet antérieur enregistré aux US.
Ces circonstances tiennent notamment à « la composition des milieux spécialisés, leurs qualifications, coutumes et comportements, l’étendue de leurs activités, leur présence aux évènements lors desquels des dessins ou modèles sont présentés, les caractéristiques du dessin ou modèle en cause, tels que leur interdépendance avec d’autres produits ou secteurs, et les caractéristiques des produits dans lesquels le dessin ou modèle en cause a été intégré, notamment le degré de technicité du produit concerné. En tout état de cause, un dessin ou modèle ne peut pas être réputé être connu dans la pratique normale des affaires si les milieux spécialisés du secteur concerné ne pourraient le découvrir que par hasard. »
Il est bien difficile de faire la preuve d’un fait négatif, surtout quand :
- La divulgation concerne un brevet et que le modèle de parapluie, conçu pour résister au vent, répond à des exigences techniques « non négligeables » ;
- Il s’agit d’un brevet déposé auprès de l’office américain, office particulièrement important compte tenu du nombre de brevets qui y sont déposés, et dont la base de données est accessible en ligne gratuitement ;
- Et que, même si les États-Unis ne sont pas le premier partenaire commercial de l’Union dans le domaine des parapluies, « le marché des États-Unis revêt, au moins, une certaine importance commerciale pour les milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union ».
Le brevet américain est donc considéré comme faisant partie du patrimoine des modèles et donc opposable au modèle communautaire. Sur le fond, cette antériorité est finalement écartée par le tribunal qui considère que, compte tenu de la faible liberté laissée au créateur d’un parapluie aussi fonctionnel, les deux modèles ne produisent pas la même impression d’ensemble sur le public concerné.
Au vu de la jurisprudence communautaire des 10 dernières années, des modèles peuvent être antériorisés :
- Par des marques, des modèles, des droits d’auteur et des brevets déposés et publiés sur le territoire de l’Union européenne avant la date de dépôt ;
- Par des marques, des modèles, des droits d’auteur et des brevets déposés et publiés dans certains pays majeurs et incontournables compte tenu du volume d’activité en matière de propriété industrielle (Etats-Unis (3), Japon (4)), avant la date de dépôt ;
- Et même, par des marques, des modèles, des droits d’auteur et des brevets déposés et publiés dans le pays d’origine du déposant.
© [INSCRIPTA]
(1) Tribunal de l’Union européenne, 21 mai 2015, aff. jointes T-22/13 et T-23/13, Senz Technologies BV c/ OHMI et Impliva BV.
(2) Règlement (CE) N°6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, article 7.
(3) Division d’annulation, 26 janvier 2006, aff. 1592, Narumi China Corporation c/ Kennex (Hong Kong) Ltd, pour un modèle de moteur à combustion.
(4) Division d’annulation, 20 juin 2005, aff. 420, Sunstar Suisse SA c/ Dentaid SL, concernant un modèle de brosse à dent.
(5) Division d’annulation, 3 avril 2007, aff. 2905, Lin Yu Shiu c/ Lin Chun-Ju, concernant un modèle de poignée d’outil.