Le choix d’une marque disponible, facile à mémoriser, parlante pour éviter de trop lourds frais de publicité et de communication, tout en étant suffisamment forte juridiquement pour pouvoir la défendre largement, tend à relever de l’utopie.
L’une des pratiques courantes depuis des décennies est de déposer une expression formée autour des mots clés illustrant l’activité visée, et de lui accoler les initiales de chaque mot la composant, sous forme de sigle et parfois d’acronyme.
L’ensemble ainsi formé a longtemps été considéré comme remplissant les conditions de validité du droit des marques, jusqu’à une décision récente de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui a dit pour droit :
« […] une marque verbale composée de la juxtaposition d’un syntagme descriptif et d’une séquence de lettres non descriptive en elle-même [est descriptive], si cette séquence, du fait qu’elle reprend la première lettre de chaque mot de ce syntagme, est perçue par le public comme une abréviation dudit syntagme et que la marque en cause, considérée dans son ensemble, peut ainsi être comprise comme une combinaison d’indications ou d’abréviations descriptives qui, partant, est dépourvue de caractère distinctif. » (1)
Depuis lors, les offices tant communautaire que français, refusent à l’enregistrement de telles demandes de marques.
Les marques enregistrées ne sont pas à l’abri et peuvent être annulées pour absence de distinctivité par les tribunaux, comme l’a récemment été la marque française STRATEGIES & INTERACTIONS EN COMMUNICATION – SIC enregistrée depuis pour les services suivants : éducation ; formation, management, communication en entreprises, relations humaines, conseil en communication d’entreprise :
« L’ajout de l’acronyme Sic constitué de la première lettre des trois mots du syntagme à la suite de ces trois mots ne peut avoir pour effet de conférer un caractère distinctif à l’ensemble que constitue le signe déposé à titre de marque […], la marque en cause comprise en son ensemble pouvant être comprise comme une combinaison d’indications ou d’abréviations descriptives. » (2)
Cette jurisprudence vise à éviter de conférer à une seule entreprise un monopole sur des termes nécessaires.
Cela peut paraître contradictoire de considérer qu’un sigle seul peut valablement constituer une marque, mais de ne pas l’enregistrer lorsqu’il est accompagné de sa forme développée, parce qu’alors, sa signification sera révélée et il deviendra lui-même descriptif.
La parade est vite trouvée : on dépose le sigle seul et on l’utilise accompagné de sa forme développée. Il est en effet bien rare qu’un sigle soit créé sans que des mots clés lui soient rattachés, au moins au moment de sa création, même si le sigle peut ensuite avoir son existence propre, comme les marques RATP ou SNCF.
Selon nous, cette jurisprudence présente deux inconvénients :
- Créer un décalage de protection juridique entre la marque telle qu’elle figure sur le registre et son exploitation réelle, ce qui peut tromper son titulaire de même que les tiers sur la portée de leurs droits respectifs ;
- Saturer le registre des marques, en ne permettant pas la coexistence de sigles très proches dont la forme développée permettrait pourtant de créer des différences intellectuelles propres à éviter tout risque de confusion pour le public concerné.
Une solution pourrait être de permettre l’enregistrement de telles marques dans leur ensemble, à la condition que le déposant ne revendique aucun droit sur les parties non distinctives et accepte que la marque ne soit protégée que contre une reproduction à l’identique ou au quasi identique.
© [INSCRIPTA]
(1) CJUE, 1er mars 2012, aff. C-90/11 et C-91/111.
(2) Tribunal de grande instance de Paris, 3ème ch., 1ère sect., 17 octobre 2013 (RG 2011/09768), PIBD 997 III 28.