La loi relative à la consommation dite loi « Hamon » (détaillée dans d’autres aspects par notre article d’avril 2014) (1), permet enfin à des consommateurs s’estimant victime d’une même fraude de se regrouper afin d’obtenir réparation de leur préjudice en matière de concurrence (pratiques anti-concurrentielles) et de consommation.
Cette procédure, dite action de groupe ou recours collectif, recommandée par la Commission européenne (2), vise donc les mêmes objectifs que la « class action » américaine. Deux différences de taille néanmoins : elle ne peut pas être organisée par des avocats mais doit être introduite par une association représentative au niveau national des consommateurs et agréée par Décret, et n’a pour objet que de réparer les « dommages matériels » des consommateurs dans le cadre d’une catégorie relativement réduite d’infractions (3).
Cette action de groupe ne peut donc pas être engagée par plusieurs sociétés qui s’estiment victimes d’actes de contrefaçon à l’encontre du présumé contrefacteur, ce que certaines ont pourtant encore récemment tenté de faire.
Ainsi, les sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain, Lvmh Fragrance Brands et Kenzo avaient, avant la date d’entrée en vigueur de la loi Hamon, assigné dans le cadre d’une même action en contrefaçon et en concurrence déloyale une société présumée contrefaire leurs droits de marques respectifs. Leur action collective a été déclarée irrecevable :
« Les sociétés (…) n’ont pas respecté la règle de procédure d’ordre public relative à l’interdiction de procéder par voie de « class action » puisqu’elles sont des sociétés indépendantes disposant de titres distincts et que le seul lien de connexité entre les différents litiges réside en la personne de la société défenderesse. Ainsi les actes de contrefaçon reprochés à la société XXX par la société Guerlain sont totalement distincts des actes de contrefaçon reprochés par la société Kenzo ou de la société Lvmh » (4).
« (…) la fin de non-recevoir telle que définie à l’article 122 du Code de procédure civile est bien relative au défaut de droit d’agir : elle n’est pas limitée aux cas énumérés dans l’article et le tribunal a indiqué qu’il s’agissait d’un défaut de droit d’agir ensemble, la class action n’étant effectivement pas autorisée en droit français et celle contenue dans le projet de loi ne devant être ouverte que pour les consommateurs et dans des limites procédurales très strictes.
Faute d’avoir assigné par des actes séparés la société El Mehdi pour des faits distincts fondés sur des titres distincts, les sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain, Lvmh Fragrance Brands (anciennement dénommée Parfums Givenchy et venant aux droits de la société Kenzo) seront déclarées irrecevables en leur demande en contrefaçon et en concurrence déloyale » (5).
Cette décision ne serait pas différente aujourd’hui.
Pourtant, dans la mesure où la vente sur internet a multiplié les situations dans lesquelles une même personne propose dans de faibles volumes des contrefaçons de nombreuses marques détenues par différents titulaires, le recours collectif permettrait peut-être de dissuader ce type de contrefacteur, qui n’est la plupart du temps pas inquiété.
Il serait souhaitable que la protection et la défense des intérêts collectifs des consommateurs contre la tromperie opérée par les contrefacteurs incite le législateur à étendre l’accès aux recours collectifs aux titulaires de droits de propriété intellectuelle (6), afin de leur permettre de s’unir pour lutter contre la contrefaçon. A ces mêmes titulaires et leurs défenseurs de se montrer persuasifs, créatifs et de s’unir pour faire entendre leurs voix.
© [INSCRIPTA]
(1) Loi N°2014-344 du 17 mars 2014, JO 18 mars 2014.
(2) Voir notamment la communication disponible sur http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-524_fr.htm?locale=FR.
(3) Article L.423-1 du code la consommation modifié par l’article 1 de la loi Hamon : « Une association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l’article L.411-1 peut agir devant une juridiction civile afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d’un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles :
1° A l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ;
2° Ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles au sens du titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
L’action de groupe ne peut porter que sur la réparation des préjudices patrimoniaux résultant des dommages matériels subis par les consommateurs. »
(4) Tribunal de grande instance de Paris, 3ème ch., 20 décembre 2012, Parfums Christian Dior Sa, Guerlain Sa, Lvmh Fragrance Brands Sa et Kenzo Sa c. El Mehdi Sarl.
(5) Tribunal de grande instance de Paris, 3ème ch., 30 janvier 2014, Parfums Christian Dior Sa, Guerlain Sa, Lvmh Fragrance Brands Sa et Kenzo Sa c. El Mehdi Sarl.
(6) L’article 2 de la loi Hamon prévoit que « Trente mois au plus tard après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les conditions de mise en œuvre de la procédure d’action de groupe et propose les adaptations qu’il juge nécessaires. Il envisage également les évolutions possibles du champ d’application de l’action de groupe, en examinant son extension aux domaines de la santé et de l’environnement. »