Nous vous proposons ce mois-ci un florilège de jurisprudence française concernant la comparaison des signes et les différents critères retenus par les offices et tribunaux français pour apprécier l’existence ou non d’un risque de confusion entre les marques aux yeux du public concerné.
Similitude entre des signes ayant le même rythme, le même élément d’attaque, et dont l’élément commun conserve son individualité au sein de l’une ou des deux marques
BRIN 2 FORME est similaire à (préparations à base de céréales) :
« L’expression ‘brin de/2’ est suivie, dans l’un et l’autre signe, d’un nom auquel le consommateur n’a pas l’habitude, dans le langage courant, de l’associer » ce qui en fait des « formulations inédites » (1).
AH MARQUE est similaire à AH EXCELLENT :
« L’élément commun AH apparaît distinctif au regard des produits en présence, dès lors qu’il n’en constitue pas la désignation nécessaire, générique ou usuelle, pas plus qu’il n’en décrit une caractéristique particulière » ; cet élément est également dominant, Excellent étant une qualité attendue des produits visés (produits de grande consommation), Marque étant banal appliqué à des produits revêtus d’une marque (2).
Si les services ont pas été reconnus différents (commerce en ligne, fourniture d’accès à des données sur des réseaux de communication / services de promotion des biens et services des tiers sur Internet ; fourniture d’accès à des données sur des réseaux de communication) ce qui a conduit au rejet de l’opposition, en revanche, les signes sont jugés similaires aux motifs que :
- NEXT est arbitraire et donc distinctif pour les services concernés ;
- NEXT conserve son individualité au sein de la demande de marque, dès lors qu’il est placé en position d’attaque, « que les éléments alphanumériques 2U, phonétiquement « to you » et aisément compris comme signifiant « à vous, vers vous », ne font qu’évoquer le consommateur lui-même, autrement dit, la destination des services en cause » et servent de complément au nom NEXT ;
- « l’élément alphanumérique 2U ne fait pas perdre au terme NEXT le sens qu’il a isolément, ce terme pouvant être traduit par « à côté » dans chacun des signes en présence ».
Marques L’OFFICIEL DE LA MAISON contre L’OFFICIEL DE L’IMMOBILIER pour des journaux (4) :
- « L’OFFICIEL, commun aux deux marques, apparaît distinctif pour des journaux » ;
- « les structure et une évocation communes entre les deux signes créent un risque de confusion pour le public concerné ».
Différences phonétiques liées à la prononciation des marques, selon la langue perçue
La façon dont la marque sera prononcée doit résulter à l’évidence de la façon dont elle a été déposée, et non des allégations des parties lors de la procédure d’opposition, tout élément extérieur tenant notamment à l’usage réel de la marque ne pouvant être pris en compte lors de cette procédure.
Dans la cadre d’une procédure opposant les marques 01NET et LABORATOIRE 01 SANTE (5) : « Ne sauraient être retenues les observations de la société déposante selon lesquelles, l’élément 01 se prononce « zéro un » dans le signe contesté et « one » dans la marque antérieure en raison de la présence de l’élément verbal NET, abréviation du terme anglais « network » ; Qu’en effet, outre que l’élément verbal NET sera plus vraisemblablement perçu par le consommateur français comme l’abréviation du mot « Internet », rien ne permet d’affirmer que le consommateur prononcera ce même élément 01 de manière différente dans chacun des signes ».
Et dans une affaire opposant les marques FIDME et YOU FID (6) : « Qu’’intellectuellement, s’il est vrai, comme le relève la société opposante, que le terme YOU du signe contesté peut être perçu par le consommateur comme un « pronom de langue anglaise », rien ne lui permet d’affirmer qu’il en va de même de la séquence ME de la marque antérieure ; qu’en effet, les séquences FID et ME étant accolées sans calligraphie particulière, la dénomination FIDME sera perçue comme un ensemble sans que la séquence ME puisse revêtir un sens précis ».
Homonymie
La reprise d’un nom patronymique caractérise en général l’atteinte à une marque antérieure. Les dispositions de l’article L.713-6 du Code de la propriété intellectuelle qui autorisent dans certaines conditions le titulaire d’un nom patronymique à en faire usage nonobstant l’enregistrement d’une marque antérieure, n’incluent pas son dépôt à titre de marque.
Dans une opposition Lucien ALBRECHT contre Cécile ALBRECHT (7), le risque de confusion entre les marques a ainsi été reconnu sur la base du raisonnement suivant :
- Le fait que 466 personnes figurent sur les Pages Blanches (annuaire téléphonique) sous le nom ALBRECHT ne suffit pas à démontrer que le nom de famille ALBRECHT serait répandu en France et banal pour désigner des vins ;
- ALBRECHT sera perçu comme le nom de famille au sein des deux signes et présente donc un caractère dominant ; les prénoms Lucien et Cécile, bien que distinctifs, pris isolément, au regard des produits en cause, apparaissent secondaires au sein de ces deux signes, pris dans leur ensemble ;
- Les habitudes dans le secteur viticole concerné, en l’occurrence l’appellation de vignobles distincts sous un même nom de famille, ne permettent pas d’exclure un risque de confusion entre les signes.
© [INSCRIPTA]
(1) Décision OPP 12-4491 / PAB du 17 avril 2013 confirmée par la Cour d’appel de Paris, Pôle 5, Ch. 2, 13 décembre 2013, RG 13/10008, Brin de Forme / Brin de Jour, risque de confusion entre les signes.
(2) Décision OPP 13-2549 / VR du 12 décembre 2013 devenue définitive le 17 janvier 2014, AH MARQUE / AH EXCELLENT, risque de confusion entre les signes.
(3) Décision OPP 13-3173 / HT du 27 novembre 2013 devenue définitive le 31 décembre 2013, NEXT / NEXT2U, risque de confusion entre les signes mais opposition rejetée.
(4) Décision OPP 13-3579 / HT du 02 décembre 2013 devenue définitive le 07 janvier 2014, L’OFFICIEL DE LA MAISON / L’OFFICIEL DE L’IMMOBILIER, risque de confusion entre les signes.
(5) Décision OPP 13-3332 / FBR du 28 novembre 2013 devenue définitive le 3 janvier 2014, 01NET / LABORATOIRE 01 SANTE, risque de confusion entre les signes.
(6) Décision OPP 13-1971 / OT du 12 décembre 2013, FIDME / YOU FID, pas de risque de confusion entre les signes.
(7) Décision OPP 13-2788 / CBO du 12 décembre 2013 Lucien ALBRECHT / Cécile ALBRECHT, risque de confusion entre les signes.